Depuis le congrès du SPD de Hambourg du week-end dernier, tout le monde en Allemagne parle du virage à gauche qu’aurait pris le parti social démocrate et de sa nouvelle orientation vers les valeurs et les politiques du passé. Souvent, ce virage est commenté avec une certaine connotation négative. Je ne suis pas d’accord et je trouve le virage à gauche que le parti aurait pris très peu accentué. Il s’agit à mon avis plutôt d’une adaptation normale aux changements de société et des coordonnées politiques et surtout d’un retour à une certaine normalité pour un parti de centre gauche qui à la vocation de fédérer différents courants de pensé.
Lors de sa période au rênes du pouvoir, le SPD à mis en œuvre tout un paquet de réformes néolibérales, l’Agenda 2010, qui à été accueilli favorablement par beaucoup, y compris moi. Il à été poussé à faire ses réformes par la conjoncture économique difficile, des défaites lors de pas mal d’élections régionales et de très mauvais sondages au niveau national. Malgré tout, le SPD ne pouvait être que perdant. Un parti de gauche qui fait des réformes dans le domaine du social ne peut pas y gagner, surtout quand il s’agit de réformes douloureuses. En effet, ceux qui sont en faveur des réformes votent plutôt à droite et ne se mettront certainement pas à voter à gauche suite à des mesures de ce types, dont ils trouvent souvent qu’elles ne vont pas assez loin. Par contre, ceux dans l’électorat pour lesquels les réformes sont les plus douloureuses vont être déçus et vont se tourner vers le Linkspartei (un parti à gauche du SPD né de la fusion des post-communistes et de mouvements de la gauche antilibérale) ou, comme souvent dans la partie ouest de l’Allemagne, vers l’abstention. Que le SPD ait tout de même eu le courage de faire passer ces réformes lui vaut des éloges.
Pourtant, ce n’était qu’une question de temps avant que le SPD se tourne de nouveau vers des positions plus à gauche, celle qu’il devrait défendre de toute manière. Un parti de gauche fédérateur dois réunir sur lui les voix de deux courants d’électeurs assez distinct pour être victorieux. D’un côté, ce sont les « progressifs », ceux pour qui la justice sociale est importante, mais qui n’en sont pas directement dépendants. Ils sont de gauche en opposition au conservatisme, on pourrait peut-être les qualifier de social-libéraux (dans le sens non-économique du terme). Le SPD est en concurrence pour ces électeurs avec les Verts, surtout depuis que les libéraux du FPD se concentrent uniquement sur le libéralisme économique. La majorité de ces électeurs sont en faveur des réformes et sont assez acquis au camp centre-gauche. Le deuxième courant est constitué des électeurs de gauche traditionnels, les ouvriers et les petits employés. C’est ce groupe qui est plutôt dépendant de transferts sociaux et qui est plus touché par les réforme. Ils veulent défendre leurs acquis, ce qui est légitime, et sont donc socialement conservateurs. C’est avec le Linkspartei que le SPD est en concurrence pour ces électeurs.
Depuis 1994, les partis du centre-gauche ont une majorité des voix lors des élections législatives fédérales en Allemagne. Lors des dernières élections en 2005, les SPD, les Verts et le Linkspartei avaient rassemblés sur 51% des voix! (Une coalition incluant le Linkspartei est pourtant impossible pour le moment pour des raisons politiques et de personnes). Puisque le CDU avec sa plateforme à forts accents néolibéraux a fait un score très décevant lors de ces mêmes élections et qu’il n’a pas réussi à atteindre les milieux progressifs, il s’oriente depuis plus à gauche sur de nombreuses questions. En même temps, le Linkspartei défend des positions avec lesquelles l’aile gauche du SPD est tout à fait d’accord. Jusqu’à présent, les stratèges sociaux-démocrates on acceptés ces faits. Mais entre temps, la moitié de la législature est passée, plusieurs élections régionales importantes vont avoir lieu dans les prochains mois et l’on commence à se faire du soucis parce que le parti pointe continuellement en dessous de 30% dans les sondages. Comme les voix des électeurs sont plutôt à prendre à gauche, il ne faut pas s’étonner que le SPD s’oriente dans ce sens. Mais attention, à part quelques corrections, personne ne met en doute les réformes accomplies!
Je trouve donc que l’orientation du SPD vers des positions plus à gauche est une bonne chose. Cela ne vaut pas uniquement stratégiquement, mais aussi concernant le contenu. On s’est servi assez longtemps de la mondialisation pour justifier les politiques néolibérales. Maintenant, il est temps de repenser à certaines mesures permettant une certaines redistribution des richesse, sans toutefois exagérer. Ceci n’est certainement pas un retour au passé! Par contre, je trouve le thème chois (le prolongement de l’allocation chômage pour les chômeur plus agés), car il s’adresse à un groupe de privilégiés qui se sent désavantagé (même s’il y a beaucoup d’arguments pour leur donner raison) pour le moment. Je trouve qu’il y aurait assez d’autres problèmes à adresser qui sont plus pressants, comme la pauvreté infantile, les working poor ou le pouvoir des entreprises dans le secteur énergétique, et qui ont plus de rapport avec la justice sociale. Et pour finir, aucune raison pour les sceptiques de se faire du soucis. Les programmes des parties sont toujours plus idéalistes que ce qui se fait finalement dans la réalité. Le SPD de gouvernement ne changera sans doute pas grand chose.